Tu seras une femme, ma fille (poème)

Si tu peux voir mourir une grande histoire d’amour

Sans refermer ton cœur pour qu’il aime à nouveau

Ou te savoir trahie sans trahir à ton tour

T’en aller pour voler plus haut ;

Si tu peux tout donner sans te perdre pourtant

Si tu peux être douce sans jamais te soumettre

Apprécier, célébrer, admirer ton amant

Sans jamais faire de lui ton maître ;

 

Si tu peux ignorer les langues de vipères

Les jalouses, les méchantes occupées à médire

Et entendre derrière leurs discours de mégères

Une misère à n’en plus finir ;

Si tu peux être belle sans jamais être fière

Faire de ta vérité, l’essence de ta beauté

Si tu peux préserver un peu de ton mystère

Ne pas tout dire ni tout livrer ;

 

Si tu sais accueillir et ouvrir ta maison

Sans jamais t’entourer de quelque vaine cour

Aimer à la folie pour trouver la raison

Parler sans n’être que discours ;

Si tu peux être pure sans jamais être sage

Si tu peux être forte sans refermer ton cœur

Si tu sais être tendre, si tu sais être orage

Sans être esclave de tes humeurs ;

 

Si tu peux affronter le temps sans faire naufrage

Sans te sentir déchue ni même destituée,

Si tu trouves ton chant au plein cœur de chaque âge

Quand les autres s’abîment à le nier

Alors, Reines et Déesses, Vénus et Madones

Te feront révérence et seront ta famille

Et tu te trouveras dans l’amour que tu donnes

Tu seras une femme, ma fille.

 

(Version de F. Marsaudon, inspirée de « If », de R. Kipling )

Ci après pour rappel, la version d’origine en français : If / Si

Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d’un mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère,
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaitre,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur,
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maitre,
Penser sans n’être qu’un penseur ;

Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,

Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire
Tu seras un homme, mon fils.

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