Allez au toilettes !

« RIEN NE VAUT UNE DÉFÉCATION PUISSANTE ET GÉNÉREUSE »

Article de Dominique Vialard (Tiré d’Alternative Santé, n°4)

Je garderai je crois toute ma vie cette phrase en tête. Je l’ai lue un jour, gravée sur la porte des toilettes de Sciences Pô. Le philosophe en herbe qui l’avait écrite devait être un sacré bon vivant. Il avait surtout sacrément raison. S’il est un plaisir simple, de base, c’est bien celui-ci. Comme boire ou manger. Mais ça, on ne le raconte pas. Et pourtant, c’est un acte qui non seulement nous renseigne sur notre état de santé mais participe aussi activement à cette même santé.

Le film de votre vie se lit dans les toilettes :
Sans doute certains jours vous êtes-vous demandé comme tout le monde : il est bizarre mon caca… il a quoi ? Et puis vous avez tiré la chasse sans réfléchir davantage et vous êtes passé à autre chose. Dommage. Car nos matières fécales nous renseignent assez précisément sur notre mode de vie et notre état de santé.

Un caca normal, pour rappel, est brun, compact (‘moulé’), et peu odorant.
La couleur brune vient des déchets du sang, notamment de l’hémoglobine. Cette dernière va être dégradée dans le sang en biliverdine puis en bilirubine non conjuguée et après passage dans le foie en bilirubine conjuguée. La bilirubine conjuguée (et un peu de biliverdine) est alors excrétée dans la bile puis va passer dans l’intestin et le côlon. Là, les bactéries intestinales transforment cette bilirubine en stercobilinogène (incolore) et enfin en stercobiline qui est brune…
Dégoûts et des couleurs :
Bien sûr, ce n’est pas très ragoutant mais voici ce que vous pouvez déduire instantanément :

  • Vos selles sont jaunes : cela veut dire qu’elle n’ont pas eu le temps de brunir dans l’intestin et que le transit est trop rapide. Mais ce n’est pas un mauvais signe car la plupart des gens ont, au contraire, un transit difficile ce qui leur occasionne toutes sortes de troubles.
  • Vos selles sont rouges ou noires : cela indique la présence de sang dans les selles (ou que vous avez mangé des betteraves). Si c’est du sang, il vaut mieux consulter un médecin. Schématiquement, lorsque l’œsophage, l’estomac ou le duodénum saignent, les selles seront presque noires (le sang est digéré). Si les saignements proviennent de l’intestin, du colon, du rectum ou de l’anus, les selles sont couleur rouge vif.
  • Vos selles sont vertes : cela peut-être la conséquence d’une cure de fer ou d’une trop grande consommation de légumes verts. Mais les selles vertes indiquent, comme les jaunes, une digestion trop rapide (la biliverdine n’a pas été transformée).
  • Vos selles sont blanches : Cela résulte d’un manque de sécrétion de bile par le foie (il n’y a pas de sécrétion de bilirubine). Cela peut traduire une pathologie du foie ou une obstruction des voies biliaires (à cause d’un calcul par exemple) et il faut alors consulter.

Sèches, grasses ou liquides :
Vous pouvez également observer la consistance de vos selles. Elle vous renseignera sur ce que vous n’avez pas digéré par exemple (c’est très visible avec les grains de maïs non croqués).

Normalement, les selles devraient être presque sèches – et il est d’ailleurs étonnant de les diluer dans de l’eau lorsqu’on les élimine. Mais lorsqu’elles sont trop sèches et dures, elle traduisent la constipation (voir plus bas). Lorsqu’elles sont grasses, elles indiquent que votre organisme digère mal les lipides présents dans votre alimentation. Cela peut résulter d’un problème de pancréas (dont les enzymes coupent les lipides en morceau), de foie (qui ne produit pas assez de sels biliaires) ou d’intestins (maladie inflammatoire, intolérance…).

Enfin si vous avez la diarrhée, il s’agit parfois d’une fausse diarrhée (après un épisode de constipation) mais généralement, il faut plutôt chercher du côté de la gastro-entérite, de l’intoxication alimentaire, des médicaments (antibiotiques, antiacides, magnésium…) ou d’un abus d’alcool, de café ou de tabac. Si aucune de ces causes ne vous apparaît, et surtout, si cela dure plusieurs semaines d’affilée, il faut envisager un intestin irritable, une hyperthyroïdie, le diabète… Sinon, ce sera généralement un problème de malabsorption ou d’intolérance alimentaire (gluten, caséine du lait, lactose…). Le médecin vous dira…

 

Ni une, ni deux… trois fois par jour :
On dit souvent qu’aller à la selle une fois par jour est un bon rythme, et que ce rythme ne révèle pas de constipation. C’est en tout cas le bon tempo pour la médecine officielle. En deçà c’est la constipation, la vraie, la dure, celle qui vous donne l’impression d’avoir livré bataille quand vous sortez des toilettes, et, au-delà de 3 selles par jour, c’est la diarrhée, cette sacrée courante qui nous fait courir.

Dans un article paru dans Plantes & Santé n°57 intitulé « L’écologie du côlon – Fermez la porte aux idées reçues », que je vous recommande particulièrement si vous êtes de nature constipée, Jean-François Astier n’est pas de cet avis. Selon ce naturopathe aguerri, si l’on ne va pas à la selle après chaque repas, soit deux à trois fois par jour, il y a lieu de se dire, dans le principe, que l’on ne parvient pas à évacuer les matières consécutives à la digestion. « Ce qui à est à terme la source de problèmes de santé plus importants », prévient-il.
Tous constipés !
Combien d’entre nous souffrent de paresse intestinale ? Presque tous. En plus de la sédentarité, qui ralentit forcément le métabolisme, l’une des raisons principale à cette constipation générale est que l’on ne boit généralement pas assez entre les repas. Avant tout traitement essayez donc de boire nettement plus, surtout le matin a jeun.

L’autre raison est d’ordre alimentaire : nous nous nourrissons mal, ne mâchons pas suffisamment et ne mangeons pas assez de fibres notamment : épinards, carottes, petits pois, haricots… et crudités.

Ces dernières doivent être considérées – comme les fruits d’ailleurs – comme des apéritifs (elles initialisent la sécrétion digestive) et doivent donc être toujours mangées en début de repas, faute de quoi elles bloquent la digestion.

Enfin, la paresse intestinale provient très souvent d’un défaut de la flore intestinale pour cause alimentaire ou à la suite de la prise de médicaments.

Il est donc fortement conseillé de faire des cures régulières de :

  • Pro-biotiques (associés avec des pré-biotiques)
  • Lapacho (Tecoma adenophylla) un arbre dont l’écorce a des propriétés antiputrides et favorise le développement et la fixation des bonnes souches de ferments dans la paroi intestinale.
  • Griffe du chat (Uncaria tomentosa). Contrairement à ce qu’on entend parfois, il ne s’agit pas là d’un laxatif mais d’une plante qui soutient l’intestin dans la plupart de ses fonctions : elle favorise la régénération de la muqueuse, a une action anti-inflammatoire sur celle-ci, évite les ballonnements en modérant les réactions excessives de la flore intestinale, aide l’organisme à éliminer ce dont il n’a plus besoin. En plus, une cure longue durée ne présente aucun inconvénient !

 

Un mot quand même pour ceux qui souffrent de diarrhée ou dont les petits ont souvent ce problème. Je connais un truc infaillible : les baies de myrtilles. C’est le produit à avoir avec soi en cas de gastro ou de ‘tourista’. Achetez 50 g de myrtilles séchées et faites infuser dans 2 litres d’eau. Buvez tout au long de la journée, en deux jours, il n’y paraîtra plus !


Pouah, qu’est-ce que ça pue !
On a tendance à croire – c’est en tout cas bien enraciné dans nos esprits, que les excréments humains dégagent une odeur fétide. Ce peut être effectivement le cas. Mais il n’y a là rien de normal. Lorsque les intestins fonctionnent bien et que le côlon fait son travail dans les meilleures conditions, les selles ne dégagent pas de mauvaise odeur.

La principale fonction de notre côlon est de fermenter les aliments qui n’ont pas été suffisamment digérés, pour en extraire les derniers nutriments et les faire passer dans le sang. Lorsque le côlon est sain, cela se passe comme décrit plus haut.

Par contre, en présence de bactéries et de levures ‘nuisibles’, le transit est perturbé, ce qui entraîne des phénomènes tels que constipation et diarrhée en alternance et des selles malodorantes.

Pour traiter ça, il faut faire un réglage alimentaire : on réduira les aliments concentrés tels les viandes, le fromage, les graisses et les sucres et on privilégiera les fibres des légumes, des fruits et des céréales pauvres en gluten (riz, sarrasin, millet…). Et pour lutter contre les bactéries, opposez-leur d’autres bactéries en faisant une cure de pro-biotiques régulière, si possible associée avec des pré-biotiques. L’association est essentielle.

Il existe de très nombreuses marques sur le marché. Pour choisir la bonne, veillez à ce que les bactéries soient de souches diverses (une bonne demi-douzaine de souches différentes), nombreuses, et vivantes. Pour les pré-biotiques, préférez la racine d’aunée ou simplement une base de fructo-oligosaccharides.

 

Le lavement, on n’en parle plus ?
Si vos selles sont trop odorantes, et de manière chronique, rien ne vaut un bon lavage du côlon. Je ne saurai trop vous recommander en pareil cas de faire une séance d’hydrothérapie du côlon ou un lavement aux plantes.

Je sais que ce n’est pas très glamour, mais vous pouvez vous rendre chez un spécialiste de l’irrigation colonique (pour en savoir plus écoutez l’émission de Candide Loiseleur sur Radio Médecine Douce) ou, plus simple, la réaliser vous même avec un mélange préparé de plantes que vous diluez dans un litre d’eau. Marcel Cerdan ou Picasso en étaient de grands fans, dit-on..

Les genoux plus hauts que les fesses…
Dans l’article déjà cité de Plantes & Santé, Jean-François Astier expliquait très sérieusement et très concrètement comment déféquer de la meilleure manière. Je ne résiste pas à l’envie (pressante) de reprendre ici ce qu’il racontait dans cet article sur l’hygiène du côlon : « J’ai souvent surpris plus d’une personne à qui j’ai expliqué une donnée physiologique pourtant assez évidente : il faut, lorsque l’on est assis sur les toilettes, que les genoux soient plus hauts que les fesses et l’ampoule rectale. Je m’explique : la cuvette des toilettes est souvent trop haute pour des personnes de taille moyenne. Aussi, lorsque l’on s’assoit, les genoux sont à la même hauteur, voire un peu en dessous du bassin. Cette position favorise un blocage de l’évacuation des selles. La solution toute simple consiste à s’équiper d’un petit tabouret ou de quoi que ce soit qui permette de surélever les jambes par rapport au bassin. Ce simple changement de position anatomique change tout pour l’évacuation… »
Rappelons nous que jusqu’à des temps relativement récents, l’homme déféquait accroupi. C’est la position la plus adaptée et la plus naturelle, que l’on peut encore exercer dans les toilettes turques ou bien aussi japonaises, ces dernières faisant l’objet d’un certain engouement chez nous, et à juste titre.


L’art et la manière de pousser…

On dit généralement qu’il n’est pas bon de pousser… Un autre « truc » de notre naturopathe, tout aussi simple, nous aidera à pousser à bon escient, pour de meilleurs résultats. Il faut savoir que les efforts de poussée ne sont intéressants que si l’on respecte un rythme qui fait travailler les deux sphincters en alternance. Eh oui, c’est aussi une donnée simple de physiologie. L’ampoule rectale fonctionne avec deux muscles puissants : le sphincter anal à la sortie de l’ampoule rectale et un autre sphincter en amont qui ferme l’ampoule. Ces deux muscles travaillent en antagonisme. Lorsque l’un est ouvert, l’autre est fermé. Ainsi, lorsque vous poussez pour évacuer, vous tentez d’ouvrir le dernier sphincter, ce qui va mécaniquement et automatiquement fermer celui de l’entrée.

À l’inverse, si volontairement vous contractez le sphincter anal, vous allez ouvrir le premier. Ce qui facilite la descente des matières et permet leur évacuation.

Donc, au lieu de pousser continuellement, ce que je déconseille, mieux vaut alterner l’effort pendant trente secondes dans un sens et autant dans l’autre. L’évacuation s’améliorera d’elle-même puisque le mécanisme physiologique fonctionnera dans le bon ordre.


Un temps pour soi :
La défécation est un temps précieux. C’est un peu comme lorsqu’on médite : il faut être à ce que l’on fait, le plus détendu possible, l’esprit au repos, à l’écoute de son corps, de sa respiration, de ses mouvements internes. Lorsque l’on médite, on évacue les mauvaises pensées pour s’approcher au mieux de la nature de notre esprit. Lorsque l’on défèque, c’est pareil, on évacue les déchets de notre corps, pour ressentir au mieux la nature de notre corps.

Certains ne peuvent déféquer sans un magazine à la main, d’autres sans musique… l’essentiel est de sentir bien, en état de relaxation, tranquille. On ne s’isole pas par hasard dans les toilettes. Il peut être fort utile de diffuser des huiles essentielles dans cette partie de la maison, des huiles aux vertus antibactériennes que l’on affectionne particulièrement comme un mélange de basilic et de gingembre par exemple, deux huiles qui en usage interne ont l’avantage de favoriser le transit.

Buvez un grand verre d’eau tiède et massez-vous le ventre, le matin a jeun, et, une fois sur la cuvette, pour mieux vous détendre et favoriser le transit, vous pouvez vous masser légèrement le ventre en suivant le trajet de l’intestin. C’est-à-dire, en massant le ventre dans le sens des aiguilles d’une montre en commençant en bas à droite du ventre. Des pressions légères suffisent à créer des mouvements internes et à relancer le transit.
N’ayons plus peur de déféquer !
Faire caca, encore une fois, est l’une des activités les plus naturelles qui soient. Il n’était pas rare jadis que l’on défèque en public et à la cour du roi Louis XIV assister au grand « pot » royal était même un insigne honneur. Voyons ce que cette noble activité est devenue dans notre société soi-disant libérée :

Aujourd’hui, on se cache, on se terre, on fait semblant de ne pas… et pour ne pas se faire repérer, on se retient. Comment réprimer aussi violemment un besoin si primaire ? Chez certaines personnes, incapables de faire à leur aise dans des toilettes publiques ou « étrangères », cela devient un sujet d’angoisse dès qu’elles sortent de chez elles. Une vraie angoisse, qui se traduit parfois par des symptômes physiques. Cette cacaphobie s’observe même maintenant dans les maternités où les futures mamans ne savent plus comment pousser sans risquer de déféquer devant la sage-femme

La peur peut se manifester aussi dès la petite enfance : c’est la fameuse peur du pot de l’enfant. Celle-ci serait due à une « angoisse de morcellement » non surpassée : l’enfant n’étant pas capable de faire la distinction entre ce qui fait partie ou non de son corps aurait peur inconsciemment de perdre une partie de soi en faisant caca dans le pot. Tous les enfants passent par ce stade mais certains peuvent rester bloqués sur ce sentiment toute leur vie. D’où l’intérêt de consulter un pédopsychiatre si votre enfant rencontre ce problème.
Je suis convaincu que beaucoup de constipations trouvent leurs racines dans cette cacaphobie profondément ancrée dans notre culture moderne. Le sujet est tellement tabou qu’il suffit de nos jours de faire une allusion scatologique dans une discussion pour générer automatiquement des rires nerveux. Ce qui me laisse penser que la solution, dans ce cas, n’est pas dans les plantes, les lavements ou je ne sais quoi, mais tout simplement dans une petite thérapie avec un psy. À ce stade, c’est assurément le meilleur moyen de retrouver le fondement et l’utile plaisir d’une défécation réussie.

 

Pour finir, un ouvrage… à lire aux toilettes :
Connaissez-vous le livre Comment chier dans les bois ?- Pour une approche environnementale d’un art perdu ? Cela vous surprendra peut-être mais ce livre bien torché de l’Américaine Kathleen Meyer s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires dans le monde. Soit autant que le bestseller Guérir de David Servan-Schreiber. Bien sûr, il s’agit bien plus qu’un mode d’emploi et certains critiques y voient même le « livre sur l’environnement le plus important de la décennie »(sic). Mais cet ouvrage a le mérite de ne pas y aller par quatre chemins et de revaloriser culturellement l’acte de « faire caca ». On y apprend en vrac à décortiquer l’ « anatomie d’une merde » (technique, style) et les différentes techniques de défécation (se mettre à l’aise…) du trekkeur solitaire. En tout cas, ce livre scatologique et de bon goût a trouvé son public : les chieurs ne manquent pas !


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